Conseil Municipal du 23 Avril 2020 : Intervention de Patrick Coronas


La période que nous traversons pose de nombreuses question dont n ous n’aurons les réponses que bien plus tard mais qui nécessitent d’y travailler dès maintenant.

Il y a d’abord une question de démocratie.
Celle-ci se pose déjà pour moi. Je n’étais pas candidat et me voilà quand même toujours élu. Un premier tour a eu lieu (et c’est je le pense la principale erreur de gestion de cette crise au niveau national), en recommandant aux personnes fragiles de ne pas y aller et nous n’avons toujours pas la date d’un éventuel second tour, voire d’un nouveau vote complet. Dans 2 mois dans 6 mois, en mars 2021 ? Dans une période nécessitant des actions rapides, essentielles pour les plus fragiles de nos concitoyens, les exécutifs municipaux sont dans une situation complexe et s’appuie sur une situation démocratique discutable et délicate , d’autant plus délicate que l’ordonnance permettant la gestion des collectivités nous a fait sortir du fonctionnement normal.
Cela étant dit , il nous faut gérer et que nous montre le fonctionnement actuel ?

Le fonctionnement actuel
Nos concitoyens à la recherche de réponses, d’actions et de solutions s’adressent clairement :
-à l’Etat nation
-au Conseil départemental pour le social
-à leur commune pour le social et la vie quotidienne
Il faut bien remarquer que l’intercommunalité est aussi en action (Déchets, eau, assainissement,…) mais l’interlocuteur privilégié reste la commune.

Quant à l’Europe, ses réponses rapides et son soutien sans faille pour l’Italie (c’est bien sûr tristement ironique) m’ont conforté dans l’inutilité de la construction d’une maison de l’Europe à Poitiers ou à Grand Poitiers. L’Europe s’est construite comme un marché, n’attendons pas d’elle une solidarité inconditionnelle, celle des habitants d’une nation, celle qui ^permet par exemple d’hospitaliser des malades du Grand Est dans notre Région.

On retrouve donc le triptyque français avec ses forces et ses faiblesses : état, départements, communes. Ceci n’a rien d’étonnant. Les multiples réformes de décentralisation et de fusion n’ayant jamais clairement réparti les compétences ni clairement établi un fonctionnement et des élections démocratiques, les collectivités reconnues par les habitants restent toujours les mêmes alors qu’elles n’en ont plus forcément tous les moyens.

Quel bilan d’étapes sur la gestion de l’épidémie ?

J’espère qu’il sera partagé.
Notre système a montré une réelle résilience grâce aux services publics (en particulier celui de santé et du social) et au monde associatif.
Cela montre que le service public et le réseau associatif sont bien des investissements et des assurances pour le présent et l’avenir et que l’argent qu’on y injecte n’est pas de l’argent perdu loin de là. Mais cela montre aussi que l’argent qu’on y économise peut coûter très cher.

Du côté négatif, cette épidémie a mis à vif notre incapacité productive y compris sur des objets de première nécessité, résultat de décennies de désindustrialisation et la fragilité d’une mondialisation économique qui découpe les chaînes de valeurs et de production. (le blocage de la Chine arrête des chaînes de production dans le monde entier)

Quel avenir ?
Chacun tire les conclusions en fonction de ses idées mais j’espère que l’on ira au-delà et que l’on pourra s’entendre sur le nécessaire même si les modalités pourraient être différentes.

*Les services publics sont incontournables tout comme une gestion publique des stocks de sécurité (qui ne devrait pas être un simple stockage mais un fonctionnement en flux pour éviter de jeter du matériel périmé)
*le monde associatif permet de construire du lien social dans la durée et doit être soutenu
*notre capacité productive industrielle doit être reconstruite

Il faudra cependant sortir du monde d’avant que porte si bien le soit-disant monde de demain au pouvoir.
Ainsi ai-je lu dans le Canard Enchainé, une expression de M. Sacha Houllié :
« Il faut se poser la question de la relocalisation mais promettre que nous allons à nouveau tout produire en France serait un mensonge » Voilà un bel homme de paille (la figure rhétorique, pas le député) : qui a parlé de tout produire ? on parle de notre indépendance en cas de crise pas d’autre chose
« Nous n’avons pas de tissu industriel suffisant » : donc on ne fait rien ?
« Qui va aller bosser pour 1500 euros après 20 ans de carrière » et bien beaucoup de monde le fait déjà et pourrait trouver valorisant d’être dans la production (le salaire médian en 2018 était de 1789 euros et 10% sont à 1213 euros et moins nous dit l’INSEE) et pourquoi d’ailleurs la richesse produite n’irait pas chez les producteurs et pas en dividendes ?

Les choix immédiats à faire devront être cohérents avec le long terme :
*soutenir l’activité économique mise en difficulté par le confinement

C’est toujours le même nouveau ancien monde qui va réclamer leurs loyers aux commerçants, aux artisans et aux industriels alors que le commerce non alimentaire représente 1,3 million d’emplois les 4 plus grosses foncières représentent 1800 emplois mais 2,9 milliards de dividendes l’an dernier. La ville fait un effort pour ses locataires, ces sociétés foncières devront le faire ou nous devrons leur faire faire.

*ne pas abandonner notre autonomie alimentaire comme on a abandonné notre autonomie industrielle

*ne pas continuer à se désindustrialier en commençant par les productions essentielles
-aurait-on dû laisser fermer l’usine Honeywell de Plaintel de production de masques ?
-le groupe FAMAR aurait-il été vendu à un fonds américain KKR et démantelé par sa filiale Plarstone avec la fermeture envisagée de Famar Saint Genis Laval qui produit pourtant 12 médicaments d’intérêt thérapeutique majeur.
-le fabricant SES de Saint Pal de Mons qui produit des sacs plastiques pour le transport de linges contaminés et des sacs de transport de prélèvements biologiques serait-il en redressement judiciaire et vendu à une entreprise ivoirienne
3 exemples de la semaine dans les Echos…

*valoriser le travail: déjà en ne méprisant pas ceux qui travaillent pour 1500 euros et en valorisant les métiers qui sont sur le terrain (déchets, eau, alimentation, vente, transports,…) invisibles jusqu’alors.

*faire des choix énergétiques cohérents qui permettront une sortie rapide des énergies fossiles. La question de la priorité des investissements se posera. Faut-il continuer à soi-disant décarboner l’électricité qui depuis plusieurs semaines est en France à 99% bas carbone pour 25g de CO2 par kWh (contre 74% et 228g, 10 fois plus !!!, en Allemagne).
*imposer rapidement une couverture mobile et internet de tous les territoires et de tous les habitants et professionnels.

Tout cela ne se fera pas sans la culture, un enseignement scientifique et un enseignement à l’esprit critique qui feraient qu’on ne soutiendrait plus une publication ou une déclaration scientifique comme on soutient un club de football quand bien même on est élu de Marseille ou de la Région Sud. On voit ainsi toute l’importance d’un centre de culture scientifique et technique au service de nos habitants comme l’Espace Mendès France.

Après cette longue analyse que conclure ? Qu’à des instances européennes et nationales hésitantes et souvent déficientes, les Francais ont su répondre par le sens du sacrifice des soignants et des personnels administratifs et technique de la santé, des auxiliaires de vie auprès des plus fragiles, par le sens du service public des agents et fonctionnaires, par le courage des employés de commerce, des rippeurs, des conducteurs de transports en commun, et de tant d’autres. Ils ont su répondre avec les solidarités de proximité, celle des collectivités locales, des associations, des voisins.

Notre rôle d’élus sera de ne pas oublier cette crise quand nous pourrons reprendre une activité normale, ne pas oublier ce qui a marché et ceux grâce à qui nous avons pu y arriver.

Ainsi nous voterons les subventions qui permettront aux associations d’agir mais c’est le moment pour les associations comme pour la collectivité de revoir les priorités et les besoins réels pour cette année et pour le futur afin d’engager au mieux l’argent public. Certains ont déjà plus de besoin, d’autres en auront moins, il faut rapidement engager le dialogue.

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