Conseil Municipal du 08 Juin 2020 : Intervention de Patrick CORONAS

Intervention CM lundi 8 juin 2020

Je tiens d’abord par commencer mon intervention par une bonne nouvelle. Cette assemblée devrait être débarassée du Corona d’ici à la la fin du mois… Nous pouvons également espéré que si les tendances épidémiques se poursuivent, il en soit de même pour un autre corona.

Mais cela ne sera que le début d’une période de turbulences économiques et sociales importante.

Le choix du confinement qui a été fait a permis d’éteindre une flambée épidémique qui aurai pu emporter des centaines de milliers de personnes et qui était en train de mettre à genoux notre système hospitalier et son personnel. Certains commencent déjà à en discuter les modalités et il faudra certainement le faire mais sans jamais oublier qu’il faudra juger les décisions à l’aune des connaissances du moment et non à celles d’aujourd’hui ou de demain. Il est facile de prendre les bonnes décisisions a posteriori une fois toutes les informations connues mais les décisisons doivent être prises avant et avec beaucoup d’inconnues. L’exemple de l’affaire dite du sang contaminé est pour cela un modèle du genre que j’utilise souvent en cours de biologie. Pour juger si en 1985 les bonnes décisisons ont été prises, il faut en revenir aux connaissances de 1985.

Cependant nous pouvons faire déjà quelques observations. La comparaison avec la grippe de Hong Kong de 1969 est dans ce cadre très intéressante. Un million de morts dans le monde, plus de 30 000 en France sans que cela ne soulève une grande émotion et sans confinement. On pouvait ainsi lire dans un éditorial du Monde du 11 décembre 1969 que « l’épidémie n’est ni grave ni nouvelle » Ce n’est pas du niveau que de dire qu’elle fera moins de morts que les accidents de trotinettes mais cela nous apprend que la mort est beaucoup moins acceptable en 2020 qu’en 1969. C’est à la fois une très bonne nouvelle mais aussi un sujet qui peut devenir problématique à gérer.
si la mort n’est plus acceptable, elle n’en demeure pas moins inéluctable et le risque est grand de vouloir toujours rechercher un responsable à toute mort même naturelle
si nous acceptons des contraintes exceptionnelles pour sauver des vies, comme ici le confinement, il faut alors aussi en assumer les conséquences économiques et sociales

Nos collectivités vont devoir gérer une situation inédite avec une montée du chômage, de la pauvreté et de la précarit ; cela avec des ressources financières et fiscales amoindries. Gérer l’après (c’est à dire aujourd’hui) va nécessiter des trésors d’intelligence et d’imagination mais certainement aucune illusion. En particulier, il ne faudrait pas avoir l’illusion que l’après sera en rupture avec l’avant, comme certains marchands d’espoir (ou marchands tout court) voudraient nous le faire croire.

Pour s’en convaincre, il suffit d’observer le comportement des citoyens. Dans un domaine que je gère comme les déchets qu’avons-nous constater ?
La majorité des habitants ont compris les difficultés du service déchets et a assumé la diminution des fréquences, la fermeture provisoire de déchetteries mais dès la fin du confinement la minorité active s’est faite entendre (chez des habitants comme chez des élus) et leur comportement individualiste a fait son grand retour :
-retour des dépôts sauvages (le retour des canapés dans les rues en est la preuve)
-dépôts des sacs en dehors des heures et des jours
-appels, messages désagréables voire virulents au service
-demande de remboursement de la taxe car la collectivité s’est biensûr remplie les poches avec la baisse des fréquences des collectes

Je remercie d’autant plus la majorité de personnes qui a joué le jeu en cette période.

Mais surtout, de tout cela je constate que peu de personnes analysent politiquement les conséquences de l’épidémie. Chacun prend sa feuille de lecture et conforte son opinion en faisant sa cueillette de cerises pour ne retenir que ce qui va dans son sens en oubliant les autres faits. Tout cela aboutit à un biais bien connu : le biais de confirmation.

Ainsi on a pu lire que :

-« la planète se venge et que nous devons nous repentir » chez les tenants de ce que je n’ose même pas appeler l’écologisme politique.
-« la gestion publique a été catastrophique et il est d’autant plus nécessaire de continuer à privatiser » chez ceux qui se nomment les libéraux
-« la gestion publique a fait ses preuves et il faut socialiser l’économie » chez mes proches politiques
-« l’Europe a été un facteur d’amplification de la catastrophe » ou encore l’inverse « l’Europe a été formidable »,…

Malheureusement, très peu de personnes et de structures ne proposent une analyse réelle de la situation bien sûr au travers de son prisme idéologique (ce qui est respectable) mais en questionnant l’ensemble des données, échecs comme réussites. C’est pourtant pour moi la seule analyse qui nous permettrait d’avancer.

Comment des services publics ont tenu le choc et nous ont permis de nous en sortir (Santé, Electricité, Eau,…) tandis que d’autres ont failli (la Poste,…) ou dysfonctionnent encore (Education,..) ? Avec cette question et en cherchant les réponses, nous pouvons nous donner les moyens et les cadres pour maintenir ce qui a fait ses preuves et améliorer les autres secteurs en comprenant la cause de certains échecs. (les libéaux se poseront moins cette question)

Comment des secteurs du secteur privé ont connu eux aussi échecs et réussites et quelles conclusions là aussi en tirer.
Nous n’avons jamais manqué de nourriture pendant cette période et on n’oublie que cela n’a pourtant rien d’une évidence…

En effet et je finirais sur ce point. En 1969, l’acceptation de la mort, des limites était encore là. En 2020, après 2 mois de confinements et une crise épidémique importante, presque personne ne s’étonne de n’avoir jamais manqué d’électricité (je le rappelle, une des moins éméttrices de CO et une des moins chères), d’avoir toujours eu à disposition des commerces proposant des aliments de qualité en quantité (même si il est toujours de bon ton de critiquer l’agriculture et donc la main qui nous nourrit).
Les investissements qui ont permis à la France de devenir autonome pour son alimentation (à partr des années 70 seulement) et de produire une électricité décarbonée et propre (je me rappelle du plaisir à nettoyer les poussières noires de l’usine thermique au charbon de Chalon sur Saône sur les meubles de jardin et les volets, usine fermée en 1985) nous ont permis de passer cette période mais cela doit nous faire réfléchir sur nos actions d’élus.

On dit souvent qu’une génération construit, une génération développe, une génération profite sans rien faire et dilapide car ce qu’elle possède lui paraît naturel et non pas le résultat de forts investissements, la génération suivante n’a alors plus rien.

Il est pour nous citoyens comme élus de redevenir les constructeurs alors que ce capital construit entre les années 50 et 80 est en train d’être dilapidé sans réflexion à long terme comme en témoigne la fermeture de Fessenheim à laquelle répond l’ouverture en Allemagne de la centrale thermique Datteln 4 et ses 40 millions de tonnes de CO2 pour 1,5 milliard d’euros d’investissement…
A l’échelle de Poitiers et de Grand Poitiers, il nous faudra là aussi devenir des constructeurs sans dilapider les investissements et le capital ancien. Tout cela en travail d’équipe, en travail collectif.
Et j’en profite pour remercier mon groupe ainsi que mon bras droit ou plutot ma main gauche, il se reconnaitra.

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Un commentaire pour Conseil Municipal du 08 Juin 2020 : Intervention de Patrick CORONAS

  1. Sylvestre Durand dit :

    Bis, ter, voire plus…, repetita quant à la satisfaction de lire les propos de l’élu communiste Patrick Coronas qui nous manqueront, ainsi que son action guidée par le souci du bien commun. Voilà que je bascule moi-même dans le « biais de la confirmation « ! Ironie de la dialectique…

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