Intervention de Vincent Mauger au Conseil Municipal de Buxerolles du 17 Décembre 2015

Je m’abstiendrai sur la délibération qui nous est proposée.

Tout d’abord, je constate que les modalités de vote alimentent l’idée malheureusement devenue dominante que voter ne servirait à rien.
En effet, si la majorité des communes approuvent, la Préfète reconnaitra ce choix et mettra en œuvre la nouvelle intercommunalité. Au contraire si la majorité des communes désapprouvent, la Préfète pourra ne pas reconnaitre ce choix et mettre en œuvre la nouvelle intercommunalité. Ainsi que nous votions pour, contre ou que nous allions à la pêche, ça ne changera rien. Voilà qui ne simplifiera pas notre tâche lors des prochaines campagnes électorales lorsque nous expliquerons aux électeurs que leur vote est important et qu’ils ne doivent pas aller à la pêche.

Ensuite, je rappelle que nous n’avons pas été élus pour prendre cette décision.
Nous n’avons reçu aucun mandat des électeurs, que ce soit pour voter pour ou contre, puisque cette question n’était pas d’actualité il y a 2 ans lors de la campagne des municipales.
En tant qu’élus, nous sommes bien entendu amenés à prendre des décisions, à faire face à des imprévus, des contraintes extérieures : incidents climatiques, attentats etc…
Mais aujourd’hui, il ne s’agit pas d’une contrainte extérieure.
Il s’agit d’un Président de la République qui a été élu sur un programme, qui n’a pas appliqué ce programme, et qui impose un autre programme pour lequel il n’a aucune légitimité. Il a fait accepter son choix par la majorité parlementaire qui n’a également aucune légitimité sur ce dossier. Et il demande maintenant aux élus municipaux que nous sommes à mettre en œuvre ce programme pour lequel nous n’avons pas plus de légitimité.
Les choix portant sur la vie de la commune devraient faire l’objet d’un débat au cours d’une élection municipale. Les électeurs seraient ainsi éclairés sur les enjeux et pourraient dire s’ils approuvent ou non ce redécoupage territorial et surtout quel projet ils souhaitent pour ce territoire.

Le projet de territoire est le grand absent du débat.
C’est la raison de fond pour laquelle je vais m’abstenir.
Cette réforme territoriale vise à créer de grands ensembles, (région, agglomérations) censés être plus forts, plus compétitifs, plus attractifs. Ces grands ensembles sont basés sur une vision fantasmée des régions dans les autres pays européens. Cela n’a rien d’étonnant pour une réforme initiée par la commission Balladur sous la présidence de Sarkozy. Je ne partage pas cette vision de la société basée sur la concurrence entre les territoires, où il faut systématiquement être le plus gros, en allant prendre aux autres.
Je suis au contraire très favorable à un rapprochement des collectivités qui assure la mutualisation des coûts, le partage des richesses, les rapprochements culturels et humains, qui développe de nouveaux services à la population, qui aménage le territoire pour permettre à chacun de construire sa vie comme il le souhaite où il le souhaite.
Pour cela, il est évident de construire une intercommunalité avec l’ensemble des communes qui bénéficient des infrastructures, des dépenses sociales, culturelles, du rayonnement de Grand Poitiers. Il est évident de combattre une forme d’exil fiscal qui se produit à quelques kilomètres de Poitiers. J’approuve donc sans réserve l’intégration de communes faisant partie du tissus urbain où des entreprises ont installé leurs sièges sociaux, en particulier Jaunay-Clan.
Mais je constate que pour l’essentiel le périmètre proposé ce soir ne correspond pas au bassin de vie de Poitiers. Ainsi, au sud de Poitiers, la communauté de communes de la Vallée du Clain (Smarves, Nouaillé etc…) reste en-dehors du périmètre de la nouvelle communauté urbaine. Pourtant les habitants de ces communes travaillent pour beaucoup à Poitiers, utilisent ses lieux de sport, de culture. Pourtant, la salle de la Passerelle, utilisée par des associations, y compris buxerolloises, des institutions poitevines, a un intérêt communautaire évident.
Quel projet de territoire, quel partage, quelle mutualisation dans ces conditions ?
Dans ces conditions, comment expliquer aux habitants qu’ils ne sont pas de pions, qu’ils sont écoutés, que leurs intérêts sont pris en compte ?

Enfin, cette réforme territoriale aurait pu être l’occasion d’en finir avec un archaïsme hérité de la création de l’agglomération de Poitiers : la dotation de compensation.
A la création de l’agglomération, les communes pauvres ont été condamnés à verser tous les ans de l’argent pour « compenser » ce qu’elles coûtent aux communes riches. Buxerolles verse ainsi 400 000 € chaque année.
Cette dotation a été un mal nécessaire pour qu’un certain nombre de communes entrent dans l’agglomération. Elle est aujourd’hui dépassée et n’a plus de raison d’être.
La réforme territoriale, si elle avait été basée sur la mise en commun, la solidarité, aurait conduit à la suppression de ce versement. Ce n’est pas le cas, et ça symbolise bien le sens de cette réforme territoriale.
Buxerolles bénéficiera d’environ 80 000 € de Dotation Globale de Fonctionnement supplémentaire, ce qui est toujours bon à prendre mais est loin de compenser.

Les remarques que le Maire propose d’ajouter dans la délibération vont dans le bon sens.
Je les approuve totalement et je le remercie d’avoir ainsi écouté les élus et tenu compte de leurs avis.
Mais nous savons l’interprétation qui risque d’être faite du vote de ce soir. Il s’agit de se prononcer sur la proposition de la Préfète. Un « oui » à cet avis même assorti de remarques justifiées serait, je n’en doute pas, considéré comme un « oui » à la réforme territoriale.
Je m’abstiendrai donc ce soir.

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Un commentaire pour Intervention de Vincent Mauger au Conseil Municipal de Buxerolles du 17 Décembre 2015

  1. Durand Sylvestre dit :

    Très bon argumentaire politique!

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